Il y a deux ans nous avons découvert que le jambon, et bien en fait, ca n'est pas rose. Le responsable de cette couleur, il est vrai suspecte maintenant qu’on y pense, c’est un conservateur au nom patibulaire. Le nitrate de sodium, ou nitrites dans les charcuteries, également appelé E250 par les chimistes.
Les réactions ont peu tardé. Les ventes de charcuteries nitrités ont chuté, menaçant la filière. Soucieux de nous plaire, les industriels du jambon ont tenté de réagir et de proposer des charcuteries qui répondent aux nouvelles attentes des consommateurs informés.
On a assez rapidement eu le jambon qui vous prend pour des idiots. Au lieu d’y ajouter du sel nitrité. Il est cuit dans un bouillon aux légumes chargés en nitrates. Puis ils se voient ajoutés des ferments pour que les nitrates se transforment en nitrite. En bref : beuuurk !
Je lis cette semaine que nous avons maintenant le jambon qui se prend pour un idiot. Fleury Michon a sorti un jambon sans nitrite. Vraiment sans nitrite. Après 2 ans d’étude, ils ont… arrêté d’ajouter des nitrites. Mais pourquoi mettre deux ans à développer une solution à l'apparence aussi simple ?
Pourquoi le service recherche et développement de Fleury Michon, vous visualisez bien l’équipe de lunettes en écailles et de blouses blanches avec des bec Bunsen et des ordinateurs partout ? Comment ont ils pu mettre deux ans pour faire quelque chose d’aussi simple, d’aussi ancien, que simplement cuire un jambon de porc dans un bouillon à la paysanne, ou désossé dans un moule à la parisienne ? J’ai deux hypothèses qui selon moi en disent long sur le monde de l’agro-industrie.
Ma première hypothèse est la suivante. Les chercheurs de Fleury Michon sont des artistes dans l’art de la procrastination. Ils publient des reporting internes, organisent des réunions, ou mieux, des conf-call à l’envie, jusqu’à ce qu’un des managers leur dise : "-euh, j’ai appelé ma grand mère en fait le jambon sans nitrite, c’est hyper simple, il suffit… de pas ajouter de nitrite". Et à ce moment là le ou la chef des blouses blanches a répondu, -"ah mais oui, on sait, vous avez pas lu mon mémo de la semaine dernière ? c’est exactement la conclusion de notre étude-. " -"ben on y va alors." -"c'est ce que je viens de dire".
Si vous travaillez ou avez travaillé dans un grand groupe, vous savez que cette hypothèse est vraisemblable.
Deuxième hypothèse : ils ont un vrai problème lié à leur process. Et pour ce que tout un chacun sait des fermes usines comme des usines de transformation massives ou des morceaux de porc viennent des quatre coins du monde se faire saler et emboutir dans des installations ubuesques dignes de l’aile ou la cuisse, eh bien c’est vraisemblable également.
J’ai peur que l’idée de process industriels tellement peu respectueux des recettes ancestrales et des matières transformées n’aient rendu. Au fil du temps, totalement indispensable l’usage d’une chimie lourde pour assurer la conservation des aliments, et compenser des pratiques hautement à risque.
Un élément vient appuyer cette hypothèse : le jambon de Fleury Michon a une DLC (date limite de conservation) de 8 jours. 8 jours ? Mais c’est ridicule. Si je tue mon cochon (oui, ça m’arrive, désolé si j’offense quelqu’un, mais je vous rassure, je lui explique toujours pourquoi avant, comme dans les films avec des vieux sages indiens) donc, si je tue un cochon, que je lui taille un steak dans le jambon, que je le met sous vide et au frigo, il va déjà avoir une durée de conservation supérieure à 8 jours.
Alors si je le recouvre de sel pour tuer tout développement bactérien, puis qu’ensuite je le fais cuire au delà de 60 degrés dans un bouillon (j’en profite pour mettre quelques légumes et aromates dans le bouillon, et puis va, j’ai glissé quelques truffes aussi, qu’il ne soit pas mort pour rien), il va rester délicieux pendant plus de 15 jours… Je le sais car par curiosité j’ai fait faire le test en laboratoire, et aussi parce que tous mes amis qui font cela toutes les semaines, parce que c’est leur métier d’éleveur et de charcutier sans nitrite, ont des DLC supérieures à 15 jours…
Donc loin de me rassurer sur l’évolution de pratiques vertueuses dans l’industrie alimentaire, la nouvelle d'un jambon sans nitrite a plutôt tendance à me faire éviter plus que jamais les étalages de jambon sous plastique, a fortiori celui qu’ils font sans nitrite.
Mais ça tombe bien, j’ai des amis qui en font du très bon…
Ps : je n’ai pas goûté ce nouveau produit issu de 2 ans de R&D. Si quelqu’un l’a fait, donnez-moi votre avis gustatif dans les commentaires…
A lire sur le sujet :
L'avis de Doriane sur le nouveau jambon sans nitrite de la grande distribution
Notre article qui vous explique enfin, Qu'est-ce que les nitrites ?
Découvrez la différence entre un jambon artisanal et un jambon industriel. Vous allez être surpris !
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